Jan 5 • FORMAT'KINÉ

Kiné en première ligne aux urgences : une réponse pertinente aux lombalgies ?

Les douleurs cerLa lombalgie aiguë reste l’un des motifs les plus fréquents de consultation aux urgences. Et pourtant, ces patients reçoivent souvent des soins peu adaptés : imagerie systématique, prescriptions médicamenteuses excessives (notamment d’opioïdes), ou hospitalisations injustifiées. Les recommandations internationales plaident pour une approche conservatrice, rassurante, active et éducative. Mais dans les services d’urgences, les médecins sont souvent débordés, focalisés sur l’exclusion de pathologies graves, et peu formés à la prise en charge optimale de la douleur lombaire non spécifique.

L’idée de confier directement ces patients à des kinésithérapeutes, experts du système musculosquelettique, fait donc son chemin. Mais que dit la science sur leur efficacité dans ce contexte ? C’est la question posée par cette revue systématique dans la revue Physiotherapy.


4,4 % des passages aux urgences concernent une lombalgie aiguë, ce qui place ce motif dans le top 10 des consultations urgentes
-25 % de durée de séjour aux urgences avec un kiné en première ligne, selon une étude incluse dans la revue
11,9 % vs 2,1 % : les médecins prescrivent 5 fois plus d’imagerie que les kinés pour les mêmes patients

Objectif de l’étude

Évaluer les effets de l’implication des kinésithérapeutes dans la prise en charge des lombalgies aiguës en service d’urgences, par rapport aux soins habituels, sur :
  • l’utilisation des soins de santé (imagerie, médicaments, hospitalisation, suivi),
  • les douleurs et limitations fonctionnelles,
  • la satisfaction des patients et leur qualité de vie.

 Méthodologie et échantillon

7 études ont été incluses (2 RCTs, 2 cohortes prospectives, 3 cohortes rétrospectives), totalisant 4 057 patients adultes.
Les études proviennent de 7 pays (Australie, UK, Suisse, Malte, USA, Chine…) et comparent la prise en charge par un kiné à celle réalisée par un médecin ou une équipe soignante classique.

Le niveau de preuve a été évalué selon les standards GRADE. La majorité des études étaient de faible à très faible qualité méthodologique, en raison de biais de sélection, d’absence de randomisation ou d’hétérogénéité dans les interventions.

 Résultats principaux

Durée de séjour réduite

Deux études ont montré une réduction significative du temps passé aux urgences.
➡️ Exemple : 141 min en moyenne avec un kiné vs 175 min avec un médecin​

Moins d’imagerie prescrite

Les kinés demandent nettement moins d’IRM ou de radiographies.
➡️ Exemple : 2.1 % de prescriptions par les kinés vs 11.9 % par les médecins dans une étude​

Satisfaction patient en hausse

Les patients se disent plus satisfaits de leur prise en charge lorsqu’elle est menée par un kiné.
➡️ Exemple : 52 % de satisfaction avec kiné vs 11 % avec soins habituels (p < 0.05) dans une étude​

Ce que cette étude nous enseigne

 Le kiné aux urgences améliore certains indicateurs clés

Temps passé, imagerie évitée, satisfaction : autant d’éléments cruciaux dans des services souvent saturés.

La variabilité des pratiques est un frein à l’interprétation

Dans plusieurs études, les rôles des kinés sont flous, leur niveau de formation postgrade non précisé, et les parcours de soins mal décrits. Difficile donc d’en tirer une norme.

 Le niveau de preuve reste faible

Malgré des tendances positives, la certitude des résultats est jugée “très faible” à “faible”. La prudence est donc de mise avant toute généralisation.

 L’organisation des soins influence fortement les résultats

Le mode d’intégration des kinés (accès direct, protocoles, autonomie) influence fortement les résultats observés.
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CONCLUSION

Faire intervenir un kiné en première ligne aux urgences pour les lombalgies aiguës semble bénéfique sur plusieurs plans, mais les preuves restent encore insuffisantes pour un déploiement généralisé. Il est donc urgent… de mieux étudier les effets du kiné en urgence avec des essais cliniques de haute qualité, bien documentés, et centrés sur des indicateurs cliniques robustes.

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Recommandations pour la pratique clinique

Déployer les kinés sur des créneaux ciblés en service d’urgences

en particulier pour les douleurs musculosquelettiques non traumatiques.

Éviter l’imagerie et les médicaments systématiques

dès que les signes de gravité sont exclus.

Former spécifiquement les kinés aux contextes d’urgence,

à la communication rassurante et à l’éducation du patient.

Intégrer les kinés dans les protocoles de tri et de prise en charge rapide,

en collaboration avec les médecins urgentistes.

En suivant ces recommandations,le praticien le praticien optimise sa prise en charge des lombalgies en urgence tout en s’alignant sur les meilleures pratiques actuelles. Il contribue à réduire les soins inutiles, à renforcer l’autonomie du patient et à désengorger les urgences sans compromettre la sécurité. Plus qu’un simple exécutant, il devient un acteur clé d’un parcours de soin plus pertinent, plus humain et plus efficient.
Référence de la Recherche
Rolving N., Kræmmer J., Rafaelsen C., et al. (2025). Effect of involving physiotherapists in the management of low back pain at emergency departments: a systematic review. Physiotherapy, 127, 101454. https://doi.org/10.1016/j.physio.2024.101454