Jun 16 • FORMAT'KINÉ

Réhabilitation par l'exercice dans le syndrome de fatigue chronique : ce que révèle la dernière méta-analyse (2025

Le syndrome de fatigue chronique (SFC), également appelé encéphalomyélite myalgique (EM/SFC), reste une pathologie complexe et débattue, caractérisée par une fatigue sévère et persistante, associée à une intolérance à l'effort et de multiples symptômes somatiques et cognitifs. La réhabilitation physique fait depuis longtemps l'objet de débats vifs au sein de la communauté médicale et des patients, notamment autour du risque potentiel de majoration des symptômes après exercice (le fameux "post-exertional malaise").

L'équipe de Terhorst et collaborateurs publie en 2025 une méta-analyse rigoureuse dans Journal of Clinical Medicine, visant à actualiser les connaissances sur l'efficacité et la tolérance de la réhabilitation par l'exercice chez les patients atteints de SFC. Cette synthèse systématique représente un jalon attendu pour clarifier les recommandations thérapeutiques dans cette pathologie où l'équilibre entre bénéfices et risques reste délicat.


1 278  :
patients inclus dans la méta-analyse.
Ce large échantillon renforce la robustesse des conclusions et permet une évaluation fiable des effets de l'exercice dans différentes formes de syndrome de fatigue chronique.
17  :
essais contrôlés randomisés sélectionnés.
La qualité méthodologique est élevée, avec uniquement des essais RCT, ce qui permet de limiter les biais d’interprétation malgré l’hétérogénéité des protocoles.
<3 % :
Moins de 3% d'effets indésirables graves recensés.
Ce chiffre conforte la sécurité globale de l’exercice bien conduit chez ces patients, tout en rappelant la nécessité absolue de respecter les principes d’individualisation et de pacing.

Une méthodologie de haute qualité pour une pathologie hétérogène

Les auteurs ont sélectionné 17 essais contrôlés randomisés totalisant 1 278 patients atteints de SFC selon différents critères diagnostiques (CDC, Oxford, NICE). L’hétérogénéité diagnostique reste importante, reflet de la complexité même de la maladie. Les programmes de réhabilitation incluaient diverses modalités d’exercice : entraînement aérobie, renforcement musculaire, exercices combinés, souvent supervisés et adaptés à la tolérance individuelle.

L'analyse a porté sur plusieurs critères cliniques principaux : la fatigue perçue, la capacité fonctionnelle (6-minute walk test notamment), la qualité de vie générale (SF-36) et les évènements indésirables.

Des résultats positifs mais nuancés

Globalement, la réhabilitation par l’exercice montre une efficacité modérée mais significative sur la fatigue (SMD = -0.42, IC 95% [-0.60 ; -0.24]) et sur la capacité fonctionnelle (SMD = 0.39, IC 95% [0.15 ; 0.62]). Ces résultats indiquent un effet favorable, sans atteindre des niveaux d’amélioration spectaculaires. La qualité de vie mesurée par le SF-36 s'améliore également de façon significative mais modérée.

Sur le plan de la sécurité, les auteurs notent un taux globalement faible d'effets indésirables graves liés à l’exercice (moins de 3%), confirmant qu’une réhabilitation bien conduite semble globalement sécuritaire lorsque le protocole respecte les limites du patient. Toutefois, certaines études rapportent des exacerbations temporaires des symptômes, confirmant la nécessité d'une approche très individualisée.

La question du "pacing" et de l'autorégulation au cœur des recommandations

L'un des messages forts de cette revue est l’importance cruciale du dosage et de la personnalisation de l’activité physique. Les programmes les plus efficaces sont ceux qui intègrent des principes de pacing : adaptation permanente de l’intensité selon les ressentis du patient, prévention stricte des exacerbations post-effort, et introduction très progressive des charges d’exercice.

Les approches uniformes et rigides exposent davantage au risque d’intolérance, tandis qu’une approche supervisée, souple et centrée sur les symptômes permet d’obtenir des bénéfices fonctionnels sans aggraver la symptomatologie globale.

Des limites méthodologiques toujours présentes

Malgré la qualité méthodologique de cette méta-analyse, plusieurs limites subsistent. La définition même du SFC varie encore selon les critères retenus. La diversité des interventions testées complexifie l'interprétation comparative directe. Le suivi à long terme reste rare, empêchant de conclure sur la durabilité des effets au-delà de quelques mois.

L'effet placebo potentiel des interventions supervisées, l'absence fréquente d'évaluations de la charge cognitive ou du sommeil, ainsi que la sous-déclaration possible des effets indésirables dans certains essais sont également mentionnés par les auteurs.

 Quelles implications pour les professionnels de santé ?

Pour les kinésithérapeutes, médecins du sport et professionnels de réhabilitation, cette méta-analyse conforte l’idée que l’exercice n’est pas systématiquement contre-indiqué dans le SFC, à condition qu’il soit prescrit de façon experte. Une évaluation initiale rigoureuse, une écoute attentive des symptômes et un démarrage extrêmement progressif constituent les fondements de la prise en charge.

Les formes les plus sévères de SFC, notamment avec malaise post-effort important et troubles cognitifs associés, nécessitent souvent un accompagnement multidisciplinaire incluant psychologues, ergothérapeutes et spécialistes du sommeil, au-delà du seul volet physique.
Cette revue rappelle enfin que l'expertise du professionnel ne se limite pas à la prescription d’exercices, mais inclut une capacité permanente d’ajustement, de surveillance fine et de gestion des symptômes au fil de l’évolution clinique.

 

Ce que cette étude nous enseigne

L’exercice peut être bénéfique dans le SFC.

Sous réserve d’une prescription individualisée et progressive, l’exercice améliore modérément la fatigue et la capacité fonctionnelle.

Le principe de pacing est central.

L’ajustement permanent de l’intensité en fonction des symptômes évite les exacerbations post-effort et sécurise la progression.

La sécurité globale est acceptable.

Les effets indésirables graves restent rares (<3%), mais nécessitent une surveillance étroite pour chaque patient.


L’hétérogénéité reste un frein scientifique.

Les différences de critères diagnostiques et de protocoles limitent la généralisation ; les futures études devront mieux standardiser les approches.
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CONCLUSION

Vers une réhabilitation pragmatique et sécurisée du SFC

L’étude de Terhorst et al. apporte un éclairage mesuré, actualisé et particulièrement utile aux praticiens confrontés à cette pathologie complexe. L’exercice physique adapté et finement régulé, loin d’être proscrit, représente une option thérapeutique valide chez de nombreux patients atteints de SFC, sous réserve d’une individualisation stricte et d’une surveillance attentive. Ce positionnement nuancé devrait désormais constituer le socle des recommandations cliniques, en attendant de futures recherches intégrant des critères diagnostics plus homogènes et des suivis prolongés.


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Recommandations pour la pratique clinique

Tester systématiquement les trois composantes

Force, sensibilité, réflexes : ne pas se limiter à un seul test.
L’examen neurologique gagne en valeur lorsqu’il est combiné. Même si chaque composante prise isolément est imparfaite, leur association améliore la spécificité du diagnostic. En pratique : toujours intégrer ces trois piliers pour ne pas passer à côté d’un déficit.

Interpréter avec nuance, pas en absolu

Un examen normal ne signifie pas absence de radiculopathie.
Avec une sensibilité aussi basse, il est essentiel d’interpréter un BNE dans le contexte clinique global : antécédents, douleur radiculaire, signes d’alerte. Un patient peut très bien avoir une radiculopathie débutante sans perte neurologique manifeste.

Standardiser sa méthode pour gagner en fiabilité

Utiliser une procédure clinique reproductible.
Toujours tester les mêmes muscles clés (biceps pour C5/C6, triceps pour C7...), les mêmes dermatomes, et noter avec précision les variations. Cette rigueur permet un meilleur suivi, une meilleure communication interprofessionnelle, et une meilleure traçabilité.

Croiser avec les examens complémentaires sans les survaloriser

Ni IRM ni EMG ne sont des gold standards absolus.
L’imagerie montre des anomalies parfois asymptomatiques. L’EMG ne capte pas les fibres fines. La recommandation : utiliser les examens complémentaires pour confirmer ou affiner un faisceau d’indices cliniques, mais jamais comme seul élément de décision.
Référence de la Recherche
Yousif MS, Occhipinti G, Bianchini F, Feller D, Schmid AB, Mourad F. (2025). Neurological examination for cervical radiculopathy: a scoping review. BMC Musculoskeletal Disorders, 26:334. https://doi.org/10.1186/s12891-025-08560-9