Sep 11 • FORMAT'KINÉ

Comprendre la spondylolyse lombaire à travers l’analyse bibliométrique : que nous apprend la science ?

La spondylolyse lombaire est une pathologie courante du rachis, en particulier chez les jeunes athlètes. Elle correspond à une fracture de stress de l’isthme vertébral, souvent localisée en L5, pouvant évoluer vers une spondylolisthésis si non traitée. Elle représente une cause fréquente de lombalgie chronique et sa gestion est souvent multidisciplinaire, entre kinésithérapie, imagerie, médecine du sport et parfois chirurgie.

Mais que nous dit la science sur cette pathologie ? Quelles tendances émergent ? Qui sont les auteurs et pays les plus actifs sur le sujet ? C’est ce que cette étude propose d’explorer à travers une analyse bibliométrique complète.
815 articles scientifiques publiés entre 1975 et 2021. Cette statistique montre que la spondylolyse lombaire est une pathologie bien documentée dans la littérature médicale, avec une croissance régulière des publications depuis les années 2000. Cela traduit un intérêt croissant pour cette affection, notamment dans le contexte du sport, de la rééducation et des approches thérapeutiques innovantes.
Les États-Unis représentent 35,95 % des publications. Ce chiffre place les États-Unis en tête de la recherche mondiale sur la spondylolyse lombaire. Cela s’explique par le nombre important de centres de recherche en orthopédie, en médecine du sport et en imagerie dans ce pays, mais également par une forte culture de publication scientifique.
Il est donc intéressant pour les praticiens européens d’aller lire ces articles, même si certains peuvent être orientés vers des traitements chirurgicaux plus fréquents dans les systèmes de santé anglo-saxons.
Le mot-clé "spondylolisthesis" est le plus fréquemment associé à "spondylolysis". Dans les analyses de co-occurrence de mots-clés, le lien entre spondylolyse et spondylolisthésis est majeur. Cela reflète la réalité clinique : une spondylolyse non détectée ou mal traitée peut évoluer vers un glissement vertébral (spondylolisthésis), avec des conséquences fonctionnelles importantes.
Pour les kinés, cela souligne la nécessité d’intervenir précocement, notamment chez les jeunes sportifs, avec des programmes de renforcement segmentaire, de contrôle moteur et d’éducation au mouvement pour limiter cette progression.
La spondylolyse lombaire est une cause fréquente de lombalgie chez les adolescents, en particulier chez les sportifs, et son diagnostic ainsi que sa prise en charge restent des enjeux cliniques majeurs.
 

Objectif de l’étude

Les auteurs ont extrait 815 articles publiés entre 1975 et 2021 sur la spondylolyse lombaire à partir de la base Web of Science Core Collection. À l’aide de l’outil VOSviewer, ils ont procédé à une cartographie de la production scientifique : tendances de publication, pays contributeurs, revues, institutions, auteurs influents et mots-clés fréquents.

 Principaux résultats 

815 articles publiés sur la spondylolyse lombaire entre 1975 et 2021

Forte accélération après les années 2000.

Interprétation clinique :
La recherche sur la spondylolyse s’est intensifiée depuis 20 ans, avec une attention particulière sur la population sportive et les modalités non chirurgicales de traitement. Cela renforce la légitimité scientifique des prises en charge kiné pour ces patients, notamment jeunes et actifs.

Les États-Unis sont le leader mondial (36 % des publications)

Suivis par le Japon, la Corée du Sud et la Chine.

Interprétation clinique :
De nombreux protocoles de rééducation, algorithmes décisionnels ou recommandations sont influencés par des travaux nord-américains, parfois orientés vers une chirurgie plus précoce. Les kinés européens doivent intégrer ces données avec un regard critique, et adapter les approches à leur contexte. Le rôle du kiné dans la prévention de la chirurgie reste central dans les approches conservatrices.

Le mot-clé le plus souvent associé est "spondylolisthesis"

Il s'agit de la complication potentielle de la spondylolyse.

Interprétation clinique :
La recherche associe fortement la spondylolyse lombaire au risque de glissement vertébral (spondylolisthésis), notamment chez l’adolescent sportif non pris en charge précocement.. Cela rappelle l'importance d’un dépistage précoce et d’un encadrement rigoureux chez les jeunes patients avec douleur lombaire à l’effort.

Que faire concrètement

Ce que le kiné doit FAIRE

Le kinésithérapeute doit être attentif à toute lombalgie localisée, en particulier lorsqu’elle est déclenchée par l’hyperextension du rachis lombaire, signe d’alerte d’une souffrance de l’arc postérieur vertébral, typique de la spondylolyse. Il est essentiel de conduire un bilan fonctionnel rigoureux, incluant des tests moteurs segmentaires pour évaluer les niveaux lombaires les plus exposés (souvent L4-L5 ou L5-S1), une analyse du contrôle lombo-pelvien en statique et en dynamique, et une observation détaillée des gestes sportifs tels que la course, le saut ou la réception. Une fois le diagnostic suspecté, la prise en charge doit intégrer un travail progressif de contrôle moteur et de renforcement isométrique, ciblant prioritairement les muscles stabilisateurs profonds comme le transverse, le multifide et le moyen fessier. La collaboration avec le médecin est primordiale, notamment pour prescrire une imagerie adaptée (scanner ou IRM selon la suspicion) et assurer un diagnostic structuré en équipe.

Ce que le kiné doit SAVOIR

  • Il est fondamental pour le kinésithérapeute de connaître la prévalence importante de la spondylolyse chez les jeunes sportifs, pouvant atteindre près de 47 % des lombalgiques dans certaines cohortes. L’absence d’anomalie visible à la radiographie standard ne doit pas rassurer à tort : de nombreux cas échappent au dépistage initial, d’où l’importance d’un raisonnement clinique solide et d’un faisceau d’indices bien interprétés. L’évolution vers un spondylolisthésis n’est pas systématique, mais reste un risque réel si le diagnostic est tardif ou si la prise en charge est inadaptée. Un protocole structuré, intégrant repos, rééducation ciblée, adaptation des charges sportives et suivi clinique rapproché, permet dans la majorité des cas d’éviter la chirurgie et d’assurer un retour au sport sécurisé. Le temps de récupération moyen s’étale de trois à six mois selon la gravité initiale et l’observance du programme.

Ce que le kiné doit SURVEILLER

Tout au long de la prise en charge, le kinésithérapeute doit rester vigilant à l’évolution des symptômes. Une douleur persistante à l’effort ou à l’extension au-delà de six semaines doit alerter sur un éventuel échec thérapeutique ou une progression lésionnelle. L’observation clinique attentive permet aussi de repérer les signes de décompensation motrice ou posturale : hyperlordose persistante, gestuelle asymétrique ou modifications du schéma de course sont autant d’indicateurs subtils d’un contrôle moteur déficient. Chez certains patients, des signes neurologiques peuvent survenir (fourmillements, irradiations, faiblesse), imposant une réévaluation médicale urgente. Enfin, la surveillance de l’adhésion au programme, notamment chez les jeunes sportifs soumis à des contraintes de compétition ou de performance, est capitale pour éviter les rechutes ou les reprises trop précoces.

Ce que le kiné peut APPORTER DE SPÉCIFIQUE

Le kinésithérapeute joue un rôle clé dans la gestion, la prévention et le retour au sport après une spondylolyse. Son intervention ne se limite pas à la rééducation physique : il est aussi un médiateur de la compréhension du trouble, auprès du patient, de sa famille et de l’encadrement sportif. Il apporte une expertise précieuse dans la reprogrammation neuromusculaire, dans l’adaptation des charges d’entraînement et dans la construction d’un programme individualisé, progressif et sécurisant. En parallèle, il peut identifier les profils à risque à travers des évaluations du terrain, telles que l’hyperlaxité, la faiblesse du gainage actif ou la mauvaise gestion des contraintes mécaniques sportives. En travaillant en réseau avec les autres acteurs de santé et du sport, il devient un maillon central de la prévention secondaire et de la performance durable.
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CONCLUSION

Cette étude confirme que la spondylolyse lombaire :

  • Est une pathologie fréquente, bien documentée, et au fort retentissement fonctionnel, notamment chez les jeunes sportifs.
  • Nécessite une prise en charge précoce, personnalisée et progressive.
  • Doit être intégrée dans les formations en kinésithérapie du sport comme un motif fréquent de consultation, à connaître parfaitement.
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Recommandations pour la pratique clinique

Identifier précocement les signes évocateurs

Toute lombalgie chez un jeune sportif, surtout si elle survient à la suite de mouvements en hyperextension ou rotation répétée, doit alerter. Le repérage clinique précoce permet d’éviter une aggravation lésionnelle et une évolution vers un spondylolisthésis.

S’appuyer sur un raisonnement clinique structuré

L’imagerie seule ne suffit pas : le diagnostic repose sur une combinaison d’indices cliniques, biomécaniques et fonctionnels. Une approche centrée sur le contrôle moteur, l’évaluation segmentaire et l’analyse du geste sportif est indispensable.

Collaborer étroitement avec l’équipe médicale

La coordination avec le médecin est essentielle pour orienter vers l’imagerie adaptée (scanner ou IRM) en cas de doute. Le suivi interprofessionnel permet d’adapter les délais de repos, la reprise d’activité et le besoin éventuel de réévaluation spécialisée.

Construire une rééducation progressive et spécifique

Un programme de rééducation bien structuré, basé sur le renforcement des stabilisateurs lombaires, le contrôle lombo-pelvien et la réintégration progressive du geste sportif, est la clé du succès. Il doit être individualisé et adapté aux objectifs du patient.
Référence de la Recherche
Wang C, Li Y, Li L, Li Z. Lumbar Spondylolysis: A Bibliometric Analysis and Visualization Based on Web of Science. Front Public Health. 2023;11:1208491. doi:10.3389/fpubh.2023.1208491
“I have always believed, and I still believe, that whatever good or bad fortune may come our way we can always give it meaning and transform it into something of value.”
HERMANN HESSE, SIDDHARTHA